« La forme n’est pas moi, je ne suis pas limité par la forme. Les sensations ne sont pas moi, je ne suis pas limité par les sensations. Les perceptions ne sont pas moi, je ne suis pas limité par les perceptions. »
Ce texte a été traduit par Thich Nhat Hanh à partir du Soutra n°8 du cinquantième chapitre de l’Ekottaragama (N°125 dans l’édition révisée Taisho du Canon Chinois). Maître Samghadeva le traduisit en chinois à la fin du IVe siècle.
Vous pouvez aussi vous référer au Soutra Anathapindikovada, n°143 dans le Majjhima Nikaya du Canon Pali et au Soutra Madhyagama (N°26 dans l’édition révisée Taisho du Canon Chinois)
En méditant afin de comprendre la nature de non-naissance et de non-mort, de non-venir et de non-partir, de non-être et de non non-être, etc. de toutes choses, nous pouvons nous libérer de l’angoisse.
Au chevet d’un mourant, nous pourrons le guider pour qu’il puisse établir la paix et le calme dans son corps et son esprit. Ainsi, il pourra partir en toute tranquillité, sans souffrance ni peur.
Ce soutra est récité régulièrement dans les centres de pratique du Village des Pruniers du monde entier, dans le cadre de nos sessions quotidiennes d’assise et de chant. Vous pouvez le retrouver dans Chants du Coeur, Thich Nhat Hanh (Editions Sully 2009).
Soutra de l’Aide aux Mourants
« J’ai entendu ces paroles alors que l’Éveillé demeurait au monastère d’Anathapindika, dans le parc Jeta, près de Shravasti. À cette époque, le riche marchand Anathapindika était gravement malade. Lorsque le Vénérable Shariputra en fut informé, il alla immédiatement trouver Ananda et dit:
“Frère Ananda, s’il te plaît, viens avec moi rendre visite à Anathapindika le laïc“. Le Vénérable Ananda répondit: “Allons-y tout de suite“. Le Vénérable Ananda mit sa robe, prit son bol et, en compagnie du Vénérable Shariputra, se rendit à la ville de Shravasti pour y accomplir la quête des aumônes. Ananda marchait derrière Shariputra et ils s’arrêtèrent à chaque maison jusqu’à celle d’Anathapindika où ils entrèrent. Une fois assis, le Vénérable Sahriputra s’adressa à Anathapindika le laic:
“Comment vous sentez-vous? Est-ce que votre santé s’améliore ou se dégrade? Est-ce que la douleur physique se calme ou s’accroît ? ”
Le riche marchand Anathapindika répliqua :
“Vénérables moines, il ne semble pas que ma maladie guérisse. La douleur, au lieu de s’apaiser, ne fait qu’augmenter.”
Shariputra dit:
“Anathapindika, mon ami, à présent, il est temps de pratiquer la contemplation des Trois Joyaux: l’Éveillé, le chemin de la pratique et la communauté.“
Le Bouddha a atteint la réalité telle qu’elle est, il est complètement et vraiment éveillé, il a mené à la perfection la compréhension et l’action, il est arrivé au véritable bonheur, il comprend la nature du monde et est inégalé en sagesse, il est un grand homme, il est l’enseignant des hommes et des dieux, il est l’Éveillé, celui qui est honoré par le monde.
Le Dharma est l’enseignement d’amour et de compréhension que le Tathagata a exposé. Il est profond et merveilleux, très précieux et digne du plus haut respect. C’est un enseignement qui ne peut être comparé aux enseignements ordinaires. C’est la voie de la pratique des êtres nobles.
La Sangha est la communauté de pratique guidée par les enseignements de l’Éveillé. La communauté est en harmonie et en son sein n’a aucun conflit, tous les aspects de la pratique peuvent y être accomplis. Elle est précieuse et respectée. Elle pratique les Entraînements et réalise la concentration, la vision profonde et la libération. C’est un champ de mérite inégalé dans le monde.
Ami Anathapindika, si vous méditez de cette manière sue le Bouddha, le Dharma et la Sangha, les bienfaits sont sans borne, et vous pouvez ainsi détruire les erreurs et les afflictions. Vous récoltez un fruit frais et doux comme le baume du bodhisattva. Un homme ou une femme intègre qui sait comment contempler les Trois Joyaux, ne risquera pas de tomber dans les trois mondes inférieurs que sont l’enfer, le monde des âmes errantes et celui des animaux, mais renaîtra sous la forme d’un être humain ou d’un dieu.” ( C )
“Ami Anathapindika, pratiquons maintenant la méditation sur les bases des six sens:
Ces yeux ne sont pas moi. Je ne suis pas prisonnier de ces yeux.
Ces oreilles ne sont pas moi. Je ne suis pas prisonnier de ces oreilles.
Ce nez n’est pas moi. Je ne suis pas prisonnier de ce nez.
Cette langue n’est pas moi. Je ne suis pas prisonnier de cette langue.
Ce corps n’est pas moi. Je ne suis pas prisonnier de ce corps.
Ce mental n’est pas moi. Je ne suis pas prisonnier de ce mental.”
( C )
“Continuons la méditation avec les six objets des sens:
Ces formes ne sont pas moi, je ne suis pas prisonnier de ces formes.
Ces sons ne sont pas moi, je ne suis pas prisonnier de ces sons.
Ces odeurs ne sont pas moi, je ne suis pas prisonnier de ces odeurs.
Ces goûts ne sont pas moi, je ne suis pas prisonnier de ces goûts.
Ces objets tactiles ne sont pas moi, je ne suis pas prisonnier de ces objets tactiles.
Ces pensées ne sont pas moi, je ne suis pas prisonnier de ces pensées.” ( C )
“Poursuivons la méditation avec les six consciences des sens:
La conscience visuelle n’est pas moi, je ne suis pas prisonnier de la conscience visuelle.
La conscience auditive n’est pas moi, je ne suis pas prisonnier de la conscience auditive.
La conscience olfactive n’est pas moi, je ne suis pas prisonnier de la conscience olfactive.
La conscience gustalive n’est pas moi, je ne suis pas prisonnier de la conscience gustative.
La conscience tactile n’est pas moi, je ne suis pas prisonnier de la conscience tactile.
La conscience mentale n’est pas moi, je ne suis pas prisonnier de la conscience mentale.” ( C )
“Continuons la méditation avec les six éléments :
L’élément terre n’est pas moi, je ne suis pas prisonnier de l’élément terre.
L’élément eau n’est pas moi, je ne suis pas prisonnier de l’élément eau.
L’élément feu n’est pas moi, je ne suis pas prisonnier de l’élément feu.
L’élément air n’est pas moi, je ne suis pas prisonnier de l’élément air.
L’élément espace n’est pas moi, je ne suis pas prisonnier de l’élément espace.
L’élément conscience n’est pas moi, je ne suis pas prisonnier de l’élément conscience.” ( C )
“Poursuivons la méditation avec les Cinq agrégats:
La forme n’est pas moi, je ne suis pas limité par la forme.
Les sensations ne sont pas moi, je ne suis pas limité par les sensations.
Les perceptions ne sont pas moi, je ne suis pas limité par les perceptions.
Les formations mentales ne sont pas moi, je ne suis pas limité par les formations mentales.
La conscience n’est pas moi, je ne suis pas limité par la conscience.” ( C )
“Continuons la méditation avec les trois temps:
Le passé n’est pas moi, je ne suis pas limité par le passé.
Le présent n’est pas moi, je ne suis pas limité par le présent.
Le futur n’est pas moi, je ne suis pas limité par le futur.
Ami Anathapindika, tout apparaît et disparaît à partir de causes et de conditions et en fait, la vraie nature de tous les phénomènes est de ne pas naître et de ne pas mourir, de ne pas arriver et de ne pas partir. Lorsque les yeux apparaissent, ils apparaissent mais ne viennent de nulle part. Quand les yeux cessent d’être, ils cessent d’être mais ne vont nulle part. Les yeux ne sont pas non-existants avant leur apparition, ni existants avant de disparaître. Tout ce qui est vient à l’existence suite à une combinaison de causes. Lorsque les causes et les conditions sont suffisantes, les yeux sont présents. Lorsque les causes et les conditions sont insuffisantes, les yeux sont absents. La même chose est vraie des oreilles, du nez, de la langue, du corps et du mental; de la forme, du son, de l’odeur, du goût, du toucher et des objets mentaux, de la vue, de l’ouïe, de l’odorat, du goût, du toucher et de la conscience mentale, des six éléments, des cinq agrégats et des trois temps.” ( C )
“Dans les Cinq agrégats, il n’y a rien que l’on puisse appeler “soi”, “un être humain”, ou une” durée de vie”. L’ignorance, c’est l’incapacité à voir cette vérité. Parce qu’il y a ignorance, il y a des formations erronées. Parce qu’il y a des formations erronées, il y a une conscience erronée. Parce qu’il y une conscience erronée, il y a une distinction entre celui qui perçoit et ce qui est perçu. Parce qu’il y a une distinction entre celui qui perçoit et ce qui est perçu, il y a une distinction entre les six organes et les six objets des sens . Parce qu’il y a distinction entre les six organes et les six objets des sens il y a contact . Parce qu’il y a contact, il y a sensation. Parce qu’il y a sensation, il y a désir. Parce qu’il y a désir, il y a saisie. Parce qu’il y a saisie, il y a devenir. Parce qu’il y a devenir, il y a naissance et mort, et la souffrance et la peine indicible qui en découlent.
Ami, vous venez de contempler et de voir que tous les phénomènes apparaissent suivant des causes et des conditions et qu’ils n’ont pas de nature propre; c’est la méthode de contemplation du vide; la plus haute et merveilleuse méthode de contemplation.” ( C )
Ayant pratiqué ainsi, le riche marchand Anathapinka le laïc se mit à pleurer:
Le Vénérable Ananda lui demanda:
“Ami, pourquoi pleurez-vous ? Votre méditation n’a-t-elle point réussi ? Avez-vous quelques regrets ?“
Anathapindika le laïc répondit:
“Vénérable Ananda, je ne regrette rien et la méditation a réussi. Je pleure car je suis très ému. J’ai eu la grande fortune de servir le Bouddha et sa communauté pendant des années, et pourtant je n’ai jamais entendu un enseignement aussi profond, merveilleux et précieux que ces paroles transmises aujourd’hui par le Vénérable Shariputra.“
Alors le Vénérable Ananda dit à Anathapindika le laïc:
“Mais ne savez-vous pas, ami, que le Bouddha donne régulièrement cet enseignement aux bhikkhus et aux bhikkhunis? “
Anathapindika le laïc répondit :
“Vénérable Ananda, je vous en prie, dites au Bouddha qu’il existe des laics qui ne peuvent pas écouter, comprendre et pratiquer des enseignements comme ceux-ci mais il y en a d’autres qui sont capables d’écouter, de comprendre et de pratiquer ces merveilleux enseignements.”
Après avoir entendu les instructions de Shariputra et avoir médité en conséquence, Anathapindika se sentit libre et paisible et il atteint la compréhension la plus haute. Les Vénérables Shariputra et Ananda le saluèrent et revinrent au monastère. Anathapindika mourut et naquit ensuite dans le trente-troisième paradis. » ( C. C )
Ekottara Agama 51,8 en consultation avec Majjhima 143 et Madhyama Agama 26